Il y a un peu plus de deux ans, Mory Cissé fuyait son pays, la Guinée. Lundi, il a décroché le trophée du meilleur apprenti boucher du Finistère et gagné sa place pour la finale.
Profil
1999. Naît en Guinée
2015. Arrive en France
2016. Entame son apprentissage de boucher à Quimper (Finistère)
Quand il a reçu le prix du meilleur apprenti boucher du Finistère, lundi, Mory Cissé portait beau, cravate autour du cou. En arrivant au boulot, le lendemain après-midi, le lauréat a rendu la bande d'étoffe à Stéphane Millour, son « patron », son maître d'apprentissage. L'un de celles et ceux qui font qu'aujourd'hui, Mory peut bâtir des rêves d'avenir.
À l'été 2016, quand l'ado d'à peine 17 ans a poussé la porte de la boucherie Millour à Quimper, il ne savait « pas prendre un couteau », se souvient-il. Il parlait deux-trois mots de français, n'avait « ni amis, ni parents ».
« Lui donner sa chance »
L'été précédent, orphelin, il fuyait Conakry, la capitale de son pays natal, la Guinée : « C'était trop dur. » Quelques semaines plus tard, dans un foyer italien, il rencontre des « amis de Gambie ». Avec eux, Mory gagne Nice puis Paris, la capitale du pays rêvé. La ville du PSG, aussi, le club qui fait pétiller les yeux du jeune garçon.
Sur la carte de France, il pointe la Bretagne et une ville. Ce sera Quimper, un foyer dans le pays bigouden, la rencontre avec Stéphane Millour puis l'inscription au CAP de boucher, au centre de formation des apprentis de Brest. « Tout le monde doit avoir sa chance », estime ce dernier. Pour autant, il ne s'en cache pas : « Ce n'est pas facile de faire le choix d'accueillir un émigré, de couleur, en pleine période d'élection. »
Lui qui a formé des dizaines de jeunes doit faire preuve auprès de Mory d'une patience décuplée : « On a un langage de travail, professionnel, qu'il faut maîtriser. Mory veut toujours aller trop vite : il entend le début de la phrase mais pas la fin ! Il file au frigo... mais ne sort pas ce qu'on lui a demandé,sourit avec bienveillance le patron. Mais il s'est très bien adapté. »
Le maître d'apprentissage aussi. À partir du jeudi précédant le concours départemental, chaque jour, il a repris une par une les consignes, en compagnie de Mory. « On a détaillé les techniques demandées : désosser l'épaule de bœuf, puis le travail sur l'agneau, sur le porc... » Les efforts du tandem se sont révélés payants.
Lundi à Brest, Mory a gagné sa place à la finale du meilleur apprenti boucher de Bretagne, qui se disputera à Vannes, fin février. En juin, il validera son CAP, quelques jours avant ses 19 ans. La suite ? « Je veux faire ma vie ici, trouver un boulot, un appartement. » Son maître de stage est confiant : « Mory trouvera du travail. On cherche des bouchers. Il a une bonne mentalité, est toujours à l'heure. Il est courageux. Il fera un bon salarié. »
Nelly CLOAREC.